Ce qui se passe quand les clients ne se présentent pas pour leur réservation

Image montre l'intérieur d'un restaurant avec de tables vides

Si on vous a déjà posé un lapin, vous savez le mal que ça peut faire. Vous êtes sur votre 31 et vous avez hâte que la soirée commence. Mais plus les minutes défilent plus cette énergie positive laisse place à l’impatience en voyant que cette personne tant attendue n’arrive pas. Ensuite, vos émotions mitigées se transforment en colère lorsque vous réalisez que votre rendez-vous, et bien… il n’aura pas lieu. 

Selon Ani Meinhold de chez   Phuc Yea, un restaurant viet-cajun à Miami, peu de clients voient les choses de cette façon, mais c’est exactement ce que ressentent les restaurateurs lorsque des personnes qui ont réservé ne viennent pas. « Nous donnons toujours le meilleur de nous-mêmes pour les clients, alors quand ils ne viennent pas, nous nous prenons une belle claque. Ça fait mal. Nous sommes tous démoralisés », explique-t-elle.

Le choc émotionnel est déjà assez dur, mais les no-shows ont un effet encore plus dévastateur sur les résultats financiers d’un restaurant. En effet, ils affectent tout, des bénéfices de la soirée à la modification de la quantité de nourriture que les restaurants commandent aux agriculteurs. Nous allons découvrir ce qui se passe en réalité dans un restaurant lorsque les clients, sans même prévenir, ne se présentent pas pour leur réservation. Lorsque vous comprendrez l’effet ricochet que cela peut créer, vous y penserez peut-être à deux fois maintenant avant de ne plus honorer une réservation.

Un problème courant aggravé par la pandémie

Lorsque les clients ne se présentent pas, ils pensent généralement que c’est bon, c’est juste eux, juste pour cette fois, voire ils ne pensent en fait pas du tout à comment leur décision affecte le restaurant. Le problème, c’est que dans une même soirée, un no-show n’est pas un événement isolé. Cela fait partie d’un comportement plus général des clients qui crée de sérieux problèmes financiers et logistiques pour les restaurants.

Le Wall Street Journal a indiqué que dans une ville comme New York, environ 20 % des clients qui réservent ne se présentent en réalité jamais. Ani Meinhold affirme même qu’à Phuc Yea, cela peut représenter jusqu’à 50 %. Lorsque cela se produit, le travail déjà chaotique de la gestion d’un restaurant est fortement perturbé, ajoutant un autre niveau d’incertitude à un secteur réputé pour être imprévisible. Au cours des dix derniers mois, la pandémie COVID-19 n’a fait qu’augmenter le problème des no-shows pour les restaurants. 

En raison de la diminution de la capacité imposée par les restrictions, chaque no-show représente une plus grande part du chiffre d’affaires potentiel de la journée. De plus, Ani Meinhold ajoute que des nouvelles telles qu’un pic de cas COVID ou un marché boursier en baisse peuvent donner lieu à des soirées moins chargées. « Si vous ajoutez à cela les no-shows, c’est beaucoup de nourriture et de travail gaspillés », nous explique-t-elle.

Ani Meinhold de chez Phuc Yea | Crédits: Fabian Rodriguez

Réduire les marges faibles

Il suffit d’un simple petit calcul pour comprendre que chaque no-show affecte financièrement une activité, comme nous pouvons le voir avec l’exemple de Phuc Yea.

L’addition moyenne par personne à Phuc Yea est de 55 $. « Au total 17 personnes ne se sont pas présentées samedi », explique Ani Meinhold. La capacité totale du restaurant est de 70 places assises, donc ces no-shows représentent 24,3 % de ces places. Si elles restent non-occupées, c’est un quart du profit potentiel de la soirée qui s’envole. « Une table de quatre personnes qui ne vient pas représente une perte de 250 à 300 $ », précise-t-elle. 

Et cette somme n’est qu’une fraction des pertes. Le travail engendré par la préparation des plats qui n’ont jamais été commandés, lui aussi est perdu. Ani Meinhold précise : « Un grand nombre de nos plats nécessite beaucoup de temps et de travail. Il faut par exemple trois jours pour préparer nos célèbres bouts de côte ». Les restaurants font preuve d’ingéniosité lorsqu’il s’agit d’éviter le gaspillage, mais les no-shows peuvent rendre cette tâche impossible. Et puis il y a l’argent perdu du fait que d’autres clients auraient pu vouloir réserver cette même table qui n’était pas disponible quand ils ont appelé.

Comme la plupart des restaurateurs, Ani Meinhold décide du personnel à affecter à la cuisine en fonction du nombre de réservations enregistrées. Si de nombreuses tables sont réservées, le restaurant voudra faire appel à des cuisiniers supplémentaires pour assurer le service. Plus le nombre de no-show est élevé, moins ces employés auront de travail à faire. « Même les cuisiniers qui se tournent les pouces, ça me coûte de l’argent », explique Ani Meinhold. 

L’effet domino

Les restaurateurs ne sont pas les seuls à souffrir financièrement des no-shows, les conséquences se répercutent également sur les fournisseurs.

Pour un restaurant comme   Contigo  à Austin, tout un réseau d’autres petites entreprises est concerné, notamment des fermes et des fournisseurs locaux. « Si déjà nous n’utilisons pas les ingrédients que nous avons en cuisine, nous n’allons pas aller en commander davantage », explique Dana Curley, associé directeur. « Cela affectera alors les résultats financiers d’une autre activité ».

Tout comme le restaurant qui essaiera de ne pas gaspiller les plats préparés en les donnant au personnel, la ferme devra trouver que faire des produits non vendus, en les transformant en paniers de produits de l’ASC par exemple ou alors elle se tournera vers un autre restaurant. Avant la pandémie, chercher un autre restaurant aurait peut-être été une bonne option, mais la pandémie a rendu la vente plus difficile. Les budgets se sont resserrés de partout. 

Le personnel d’accueil doit également faire face aux retombées. Lorsque de grands groupes ne se présentent pas, un serveur fera probablement la moitié de ce qu’il aurait dû faire durant le service. Lorsque les no-shows s’accumulent au cours d’une soirée, laissant une salle bien plus calme que prévu, les responsables peuvent décider de renvoyer les serveurs chez eux. « Si vous avez besoin de cinq quarts de travail par semaine pour joindre les deux bouts, cela représente 20 % de votre revenu pour la semaine », explique Ani Meinhold. 

Lorsque cela se produit assez souvent, les serveurs commencent à chercher un autre emploi. « Ils ont la tête ailleurs », explique Meinhold. Et puis, s’ils partent, un nouveau serveur est embauché et Ani Meinhold doit le former. Il s’agit là encore d’un processus coûteux. « Il faut un gros mois à un nouveau serveur pour maîtriser notre concept. »

Des protections imparfaites

La terrasse de Contigo | Crédit : Contigo

Les restaurants disposent de peu d’outils pour lutter contre le problème des no-shows. OpenTable peut les aider, en effet les restaurants peuvent désactiver le compte d’un utilisateur lorsque celui-ci ne s’est pas présenté à quatre reprises. De nombreux restaurants envoient un SMS de confirmation ou demande à un commis aux réservations d’appeler pour confirmer. D’autres proposent   des expériences prépayées  pour mettre en avant des menus spéciaux. Certains exigent une carte de crédit pour les réservations de grands groupes et facturent des frais en cas de no-show. 

Contigo a adopté cette dernière approche, le restaurant a commencé à exiger une carte de crédit pour les groupes de huit à dix personnes, avant de s’étendre aux réservations pour six personnes ou plus. « Nous nous sommes aperçus que les gens faisaient des réservations pour cinq à sept personnes, et c’est en fait pour ce genre de réservation que le nombre de no-show était le plus élevé », explique Dana Curley.

Demander la carte de crédit

Demander la carte de crédit ça marche, mais jusqu’à un certain point, précise-t-elle. Certains prennent la chose très au sérieux, en annulant dans les 24 heures avant la réservation pour éviter les frais. Mais en réalité, la pénalité pour les clients est généralement faible, 5 $ par personne, dans le cas de Contigo, et ça ne suffit pas à compenser le manque à gagner causé par une table vide. 

Phuc Yea applique une politique similaire pour les groupes de six personnes ou plus, avec des frais de no-show de 10 $ par personne. « Mais nous n’avons jamais fait payer qui que ce soit », avoue Ani Meinhold. Non seulement on ne récupère pas les revenus perdus, mais on doit également se demander si ça vaut le coup de risquer de perdre une éventuelle future visite. « Lorsque je regarde les notes, je vois qu’ils ont déjà dîné chez nous cinq fois. Si je leur fais payer les frais de no-show, il y a de fortes chances qu’ils ne reviennent jamais. Pour un petit restaurant comme le nôtre, je ne peux pas prendre ce risque », explique-t-elle. 

Avant la pandémie, Meinhold se protégeait contre les no-shows en surréservant légèrement le restaurant, ce qui fonctionnait la plupart du temps. « Mais cela peut aussi provoquer le chaos » ajoute-t-elle, car c’est déjà arrivé que toutes les réservations soient honorées. « Je dois alors commencer à offrir des petites choses gratuites, des verres de mousseux ou des collations pour faire patienter les clients. » Mais à cause de la pandémie la surréservation n’est plus une option. Les restaurants ne peuvent tout simplement pas risquer d’entasser des gens à une époque où les règles de distanciation sociale sont imposées. 

Alors, que peuvent faire les clients ?

Image montre l'intérieur d'un restaurant avec de tables vides

En ces temps où les restaurants sont confrontés à d’énormes obstacles et où de nombreux clients veulent soutenir leurs restaurants préférés pour assurer leur survie, il est facile d’ignorer les principes fondamentaux. Rappelez-vous qu’un restaurant n’est pas une machine anonyme, c’est une activité, souvent une petite activité, gérée par des êtres humains qui ont des sentiments. Ne soyez pas cette personne qui pose un lapin.

Et si vous vous rendez compte que vous ne pouvez plus venir, annulez votre réservation et faites-le au plus tôt. « Les personnes qui nous avertissent et annulent leur réservation, nous leur en sommes très reconnaissants », déclare Dana Curley. « Cela nous donne une longueur d’avance, nous savons que nous pouvons réduire le personnel, que nous n’avons pas besoin d’un deuxième serveur pour le reste de la soirée. C’est une preuve de respect envers nous, envers notre activité que nous essayons de gérer au mieux. » 

Quand les clients respectent leur engagement et honorent leur réservation, c’est ainsi qu’ils aident leurs restaurants fétiches à survivre. Et dans une période comme celle que nous traversons actuellement, les restaurants ont besoin de toute l’aide qu’ils peuvent recevoir.